Sénateur des Bouches-du-Rhône

Jérémy Bacchi
Sénateur des Bouches-du-Rhône
Membre du groupe CRCE

Membre de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication et membre de la commission des Affaires européennes

Elu le 27 septembre 2020

Dopage

Monsieur le Président,
Madame la Ministre déléguée,
Mes chers collègues,

« Plus vite, plus haut, plus fort », cette maxime qui fonde l’esprit olympique et sportif est un appel au dépassement de soi. Malheureusement, elle semble avoir été mal comprise par certaines et certains. En premier lieu, plusieurs éléments doivent nous interroger sur l’enjeu central qu’est devenu la lutte contre le fléau du dopage. J’en retiendrai quatre.

Premièrement, s’il est bien évidemment question d’éthique, il est aussi question de santé publique. On ne compte malheureusement plus, depuis le cycliste Arthur Linton en 1896, les morts consécutives à l’absorption de produits dopants.

Deuxièmement, loin de réduire les personnes dopées à des « mauvais joueurs », il est essentiel d’aller aux sources du dopage. C’est d’autant plus central qu’il n’est plus question d’une pratique propre au haut niveau, mais qu’elle se retrouve à tous les étages du mouvement sportif. En ce sens, le devoir de prévention se fait lui aussi à tous les niveaux.

Tout d’abord, la professionnalisation du sport a entraîné tout un ensemble de mutations athlétiques. Qui aurait pu penser, il y a encore cinquante ans, que des sportifs pourraient faire des pointes à plus de 40 kilomètres heures ? Qu’un milieu de terrain au football pourrait faire plus de 15 kilomètres dans un match ?

Ensuite, et c’est lié à cette évolution athlétique, les enjeux ne sont plus les mêmes pour les sportifs mais aussi pour leurs structures employeuses. Pression de la performance dès le plus jeune âge, enjeux économiques toujours plus grands, médiatisation et starification massive, tous ces éléments participent indirectement à la peur de la mauvaise performance et peuvent, malheureusement, constituer une invitation à la triche.

Troisièmement, on constate que les enjeux du sport dépassent largement aujourd’hui la question du divertissement et même de l’économie. Ne faut-il pas voir dans les systèmes institutionnalisés de dopage la marque d’une volonté de faire du sport une arme diplomatique ?

Enfin, l’évolution des sciences médicales facilitent grandement l’accès ou le détournement de produits à des fins de dopage. Cela nous met au défi.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui est le bienvenu. Je sais, Madame la Ministre, que vous auriez souhaité qu’il soit adopté avant, nous aussi. Je sais aussi, et je vous en sais gré, que vous avez souhaité un dialogue constant avec la représentation nationale pour faciliter son adoption. Toutefois, il souffre encore de certaines limites sur lesquelles votre engagement reste oral.

Tout d’abord, sur les pouvoirs de l’AFLD. Malgré les garanties que vous avez apporté à l’Agence depuis notre commission, l’ordonnance reste extrêmement floue. Pourtant, les demandes de l’AFLD sont plutôt simples : être dotée des prérogatives lui permettant d’exercer les missions pour lesquelles elle a été créée en 2006.

Bien évidemment, cela demande de trouver un équilibre entre libertés fondamentales et réel pouvoir d’enquête, comme ce qui se fait à l’AMF. Mais limiter la capacité d’action de l’AFLD au pouvoir de contrôle dans le cadre des prélèvements biologiques ne peut être que problématique.

D’une part car la quasi-totalité des manquements aux règles anti-dopage ne sont pas repérables par analyse.

D’autre part car il importe, si on veut faire de l’AFLD le phare français de la lutte contre le dopage, de lui donner les moyens de mener ses enquêtes dès qu’un faisceau d’indices se présente.

Ensuite, sur le transfert du LNDD au sein de l’université Paris-Saclay.  

L’Université sera t’elle accompagnée, y compris financièrement, dans sa nouvelle tutelle ? Si oui, par qui ? Quel statut le LNDD aura t’il et quel lien organique avec l’UFR de pharmacie? Quand pouvons-nous espérer que soit créé son service commercial lui permettant de facturer ses prestations ? Son chiffre d’affaires sera t’il suffisant pour maintenir et même amplifier son activité ? Si non, qui viendra le soutenir ?

Vous le voyez, nous avons encore beaucoup de questions. Et selon leurs réponses, c’est toute la réussite du projet qui interroge. Car soyons lucides, nous aurons beaucoup de mal à revitaliser la lutte contre le dopage avec une structuration déficiente et des contrôles en baisse de 2500 toutes les décennies…

Sur ces deux points, il est tout de même regrettable que presque un an et demi après la réunion de l’AMA à Katowicze et un an après le dépôt de ce projet de loi, nous soyons encore dans le flou. Au final, le dialogue mené ces quinze derniers jours semble avoir été plus intense et productif que les douze mois précédents.

Malgré ses limites, notre groupe votera ce texte, pour deux raisons.

Premièrement, parce que l’urgence nous l’impose. Nous ne pouvons que faire avec l’intransigeance bienvenue de l’AMA.

Deuxièmement, parce que ce texte apporte aussi de vraies avancées, en matière d’individualisation et de proportionnalité des sanctions, ou encore de protection des lanceurs d’alerte. A ce titre Madame la Ministre, de quelle marge de manœuvre bénéficierait la France pour soutenir le lanceur d’alerte Rui Pinto poursuivi au Portugal pour son implication centrale dans la révélation des Football Leaks, où se trouvent entre autres des questions de dopage ?

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