Sénateur des Bouches-du-Rhône

Jérémy Bacchi
Sénateur des Bouches-du-Rhône
Membre du groupe CRCE

Membre de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication et membre de la commission des Affaires européennes

Elu le 27 septembre 2020

Création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France est aujourd’hui au quatrième rang européen en matière de production pharmaceutique, alors qu’elle occupait la première place jusqu’en 2008.

Il reste encore une soixantaine d’usines de principes actifs dans l’Hexagone, dont une sur mon territoire, à Septèmes-les-Vallons, l’entreprise SPI Pharma, qui emploie près de soixante-dix salariés.

La question posée par notre proposition de loi est celle de l’accès aux médicaments.

Aujourd’hui, les marchés financiers et les industriels pharmaceutiques décident des coûts des médicaments, donc de l’accès des populations aux traitements.

Heureusement, notre pays s’est doté, en 1945, de la sécurité sociale, qui permet la prise en charge des médicaments pour les malades. Mais que se passe-t-il lorsque, comme au mois d’avril, la production des principes actifs des médicaments est interrompue ? Ni l’État ni la sécurité sociale n’ont les moyens d’agir et de produire les principes actifs à la place des laboratoires.

Cette perte de maîtrise publique a tourné au casse-tête pour les patientes et les patients atteints de maladies chroniques, qui se rendent à la pharmacie la boule au ventre face aux risques de pénurie de médicaments et de rupture de soins.

L’entreprise Sanofi bénéficie d’aides publiques de l’État à hauteur de 150 millions d’euros par an ; elle continue pourtant de licencier – 3 000 postes de chercheurs en moins en dix ans – et verse la moitié de ses bénéfices aux actionnaires.

Oui, nous pensons que les intérêts privés sont contradictoires avec les intérêts de toutes et de tous, et qu’un pôle public de recherche et de production pharmaceutique est indispensable dans notre pays.

La mainmise des laboratoires et les scandales sanitaires du Mediator et de la Dépakine ont entraîné une suspicion, parmi nos concitoyens, concernant la fiabilité des médicaments et des vaccins. La recherche effrénée des profits au détriment de la détection des effets secondaires a entamé la confiance dans les vaccins, pourtant indispensables pour se protéger, notamment, de la covid-19.

Afin d’apporter en ce domaine des garanties de transparence et de démocratie permettant un retour à la confiance, nous proposons de rétablir à la fois un contrôle public et, via un observatoire citoyen, un contrôle indépendant.

Il n’y a là aucune utopie, dès lors que l’on y met de la bonne volonté et des moyens financiers. Il existe déjà, en effet, des institutions telles que la pharmacie centrale des armées et la pharmacie centrale des hôpitaux de Paris.

Ces deux structures publiques sont capables de produire les médicaments indispensables pour les malades hospitalisés. Il faut utiliser ces structures et les renforcer plutôt que de les affaiblir.

Je pense notamment à l’hôpital Sainte-Marguerite, sur mon territoire, à Marseille, où je me suis rendu voilà quelques semaines. La direction a décidé d’y fermer la pharmacie, après avoir fermé, déjà, les urgences et le service de réanimation.

La concurrence effrénée entre les cliniques privées et l’hôpital public dont on réduit chaque année les moyens a fait fuir bon nombre de personnels hospitaliers. Certains services, comme en psychiatrie, se retrouvent ainsi parfois sans médecin.

Derrière de telles décisions, il y a le démantèlement de l’hôpital public, qui dispose encore en bien des endroits, pourtant, de capacités de pharmacie lui permettant de fabriquer ses propres médicaments.

On voit bien l’intérêt pour les industriels du médicament de la disparition de ces pharmacies publiques : elle leur permettrait d’imposer leurs tarifs aux établissements de santé.

La crise sanitaire de la covid-19 a mis en lumière la situation de l’hôpital public et les conditions de travail de ses personnels. Nos concitoyennes et concitoyens sont attachés à leurs hôpitaux et savent combien il est important de faire du médicament un bien commun.

Ces trente dernières années ont vu l’émergence de grands progrès thérapeutiques dans la prise en charge d’un certain nombre de maladies graves. Je pense par exemple, dans le domaine des cancers, aux approches réellement innovantes, thérapies ciblées ou immunothérapies, qui ont révolutionné le pronostic de certaines affections.

Ces progrès de la science et de la médecine se sont malheureusement accompagnés d’une explosion du coût de certains de ces médicaments. Il n’est désormais pas rare, pour certaines maladies, de voir des médicaments à plus de 80 000 euros par an, ce qui pose la question clé de la justification de tels niveaux de prix.

Selon l’industrie du médicament, ces prix ne sont que le reflet des importants investissements réalisés en matière de recherche et développement.

Cependant, à étudier la répartition du chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques, on constate qu’il est à 15 % seulement consacré effectivement à la recherche et développement, quand 30 % du total, soit le double, sont dévolus au marketing.

La solution que nous proposons consiste à sortir les médicaments du marché par une réponse publique, démocratique et solidaire. Pour y parvenir, nous proposons de financer le pôle public ainsi créé par l’augmentation de la contribution des industries pharmaceutiques de 0,17 % à 1 %.

Quand, en dix ans, le laboratoire Pfizer a réalisé 377 milliards d’euros de profits, une taxe de 1 % ne semble pas si excessive, d’autant que cette participation des industriels privés est un juste retour eu égard aux bénéfices réalisés avec l’argent public investi au titre du crédit d’impôt recherche.

Pour toutes ces raisons, nous appelons l’ensemble des groupes parlementaires à voter ce texte.

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